Culture / patrimoine Le musée de Préhistoire à Nemours fête ses 40 ans !
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Blotti parmi les arbres et les blocs de grès, le musée est implanté dans un parc de cinq hectares au sud du massif forestier de Fontainebleau, et accueille 30 000 visiteurs par an. Dans ce musée, 600 000 ans d’une histoire passionnante - de l’apparition des premiers hommes (vers -600 000 ans) jusqu’à la fin de l’époque gauloise (Ier siècle avant notre ère) - se déploient sous les yeux des visiteurs.
En quoi le musée Préhistoire de Nemours est-il exceptionnel ? Réponse avec Anne-Sophie Leclerc, directrice du musée.
Pourquoi le musée de Préhistoire a-t-il été créé en Seine-et-Marne et sur le site de Nemours particulièrement ?
En effet, cela peut sembler étrange de choisir un site aussi décentré que Nemours pour évoquer le passé de l’Île-de-France. Ce choix est dû à deux personnalités : le préhistorien Michel Brézillon et l’homme politique Étienne Dailly. Directeur des Antiquités préhistoriques d’Île-de-France, Michel Brézillon était également enseignant à l’université Paris-I et proche collaborateur d’André Leroi-Gourhan, célèbre anthropologue qui dirigeait le chantier préhistorique de Pincevent (près de Montereau) depuis 1964. Michel Brézillon a souhaité créer un musée pour valoriser les collections archéologiques dont il avait la responsabilité. Et c’est Étienne Dailly, alors maire de Nemours et Président du Conseil général de Seine-et-Marne, qui s’est emparé du projet pour sa ville.
Pouvez-vous nous parler de son architecture ?
40 ans et pas une ride ! Mais des mousses et une solide réputation… Inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, premier édifice seine-et-marnais à obtenir le label « Patrimoine du XXe siècle », le musée de Préhistoire attire autant les adeptes de l’architecture que les amateurs de préhistoire. Son architecte, Roland Simounet, est réputé dans le milieu de l’architecture. Il ne faut pas se fier à l’austérité du bâtiment. À l’intérieur, la lumière pénètre de toutes parts par de grandes baies vitrées et six jardins intérieurs. Le « béton brut de décoffrage », sa couleur en harmonie avec les chaos de grès, la verticalité des coffrages rappelant celle des grands pins : tous ces éléments contribuent à fondre l’édifice dans le sous-bois environnant.
Quelles sont les principales collections présentées ?
Le musée présente la Préhistoire au sens large, c’est-à-dire l’Histoire des hommes avant l’apparition de l’écriture. Les collections sont issues pour la plupart de prospections ou de fouilles archéologiques menées en Île-de-France, dont une grande partie en Seine-et-Marne. Les vestiges les plus anciens, datés des environs de -600 000 ans sont des silex taillés retrouvés pour beaucoup dans des fouilles anciennes : certains proviennent même des travaux effectués lors du creusement de la station de métro St-Michel à Paris ! Puis, au fur et à mesure de la progression dans le parcours et dans le temps, les vestiges deviennent de plus en plus nombreux et diversifiés : des grandes lames en silex aux microlithes des derniers chasseurs-cueilleurs, des premières poteries aux premiers outils en bronze, des pointes de flèches en silex aux épées en fer, sans oublier les deux pirogues de Noyen-sur-Seine fabriquées à 8 000 ans d’intervalle ! Enfin nous mentionnerons plus particulièrement les premiers objets d’art ou objets symboliques dont la pierre gravée d’Étiolles constitue la pièce la plus remarquable de la collection.
« Quand Ormesson rimait avec Bison »
C’est le titre d’une brochure qui fait le point sur un site préhistorique d’exception découvert – quelle chance pour le musée ! – à 3 km de Nemours. Depuis 2009, Pierre Bodu (chercheur au CNRS) et son équipe effectuent chaque année des fouilles archéologiques à Ormesson. Pourquoi un site d’exception : parce qu’il recèle plusieurs niveaux du Paléolithique attribués aux hommes de Néandertal (vers -100 000 ans puis vers -50 000 ans) et aux Homo sapiens (vers -35 000, -28 000, -21 000 et -19 000). C’est parce que la chasse y était fructueuse et qu’il y faisait bon vivre que ces populations préhistoriques se sont installées là.
Les gravures rupestres de la forêt de Fontainebleau
De son séjour à Barbizon et à Grès-sur-Loing vers 1876, Stevenson évoqua « la sauvagerie des chaos rocheux » de la forêt de Fontainebleau, mais il semble n’avoir pas remarqué que ces rochers abritaient des gravures singulières. Un siècle plus tard naissait le GERSAR (Groupe d’études, de recherches et de sauvegarde de l’art rupestre) dont le bilan des découvertes s’élève à ce jour à plus de 2 000 abris gravés de motifs géométriques et abstraits pour la plupart. Aujourd’hui, ce sont les archéologues et les universitaires qui s’emparent du sujet, et il est à parier que les gravures n’ont pas encore livré tous leurs secrets…
Des mammouths à Changis-sur-Marne
En 2012, les squelettes de deux mammouths ont été découverts dans une carrière à Changis-sur-Marne par des archéologues de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives). Le plus jeune, incomplet, était âgé entre 20 et 30 ans, le second plus âgé et le plus complet, entre 40 et 50 ans. Il s’agit de mammouths laineux qui ont vécu entre -100 000 et -90 000 ans. Aujourd’hui, les scientifiques s’interrogent encore sur la cause de leur mort : sont-ils morts naturellement sur cette ancienne rive de la Marne ? Des humains sont-ils intervenus ? Ce que d’infimes traces sur les ossements pourraient laisser présager.