Culture / patrimoine Ces pierres secrètes qui nous parlent tant
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Remontons un peu le temps. À la fin du XIXe siècle, les premières gravures rupestres (se dit des oeuvres réalisées sur des parois rocheuses) sont mises à jour dans le massif de Fontainebleau. S’ensuivent d’importantes recherches, qui apportent leur lot de découvertes au fil du temps. Alors que l’on pensait avoir tout identifié, un petit groupe reprend les prospections pour finaliser l’inventaire.
Nous sommes en 2014, et Richard Lebon, découvre un panneau rocheux comportant des gravures de petite taille, au tracé fin et sans équivalent connu. Débutent alors huit années de recherches sur le terrain, sur une zone limitée du massif de Fontainebleau, et qui vont porter leurs fruits au-delà des espérances.
Pour la plupart, ces gravures n’étaient pas destinées à être vues.
Daniel Simonin, commissaire de l’exposition – aux côtés de Laurent Valois, président du GERSAR (Groupe d’études, de recherches et de sauvegarde de l’art rupestre) – et à l’époque archéologue au sein du musée de Préhistoire, nous aide à comprendre pourquoi les « pierres secrètes » ont été découvertes si tardivement : « Pour la plupart, ces gravures n’étaient pas destinées à être vues. Elles ont été réalisées dans des petites cavités rocheuses, souvent difficiles d’accès, sur des blocs délibérément enfouis dans le sable, la face gravée fréquemment tournée vers le sol. C’est une population d’agriculteurs, d’éleveurs qui habitent dans les plaines, les élites occupant quant à elles les sites fortifiés. Mais dans la forêt de Fontainebleau, une zone a été clairement sanctuarisée, à l’écart des fermes et des habitations. »
Les gravures ont été réalisées sur des panneaux rocheux mais aussi sur des blocs mobiles, mesurant pour la plupart de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres. Les blocs choisis pour ces gravures sont essentiellement en grès jaune, et les lignes, réalisées avec des gravoirs en silex.
« Les gravures sont très codifiées avec des associations récurrentes de signes : des triangles pointés, des svastikas, des peignes. Le rapport à la forêt est très présent avec par exemple des cervidés représentés de profil, des serpents, des araignées. On y trouve également de nombreuses représentations humaines ainsi que des créatures fantastiques », explique Daniel Simonin, définissant ainsi un style de gravure qui sera baptisé « style de la Malmontagne ».
Plus étonnant encore, un autre style, dit du « long rocher », cohabite avec celui de la Malmontagne : « Pour celui-ci on est sur une alternance de sillons fins et plus larges, très soignés. Il comporte peu d’éléments figuratifs avec toutefois la récurrence de doubles rectangles avec une croix à l’intérieur. On a également trouvé des pierres où ces deux styles cohabitent, pas de manière synchrone mais plutôt l’un succédant à l’autre ; celui du "long rocher" me paraissant être le plus ancien. »
Quatre stèles, rares pièces laissées à la vue de tous, font également partie du corpus découvert. Trois d’entre elles étaient parfaitement alignées, soulignant probablement une voie à suivre vers un lieu sacré. « De nombreux indices préfigurent ce qu’on retrouvera chez les Celtes. On a affaire à toute une mythologie. Ce sont des sociétés à qui ne manque que l’écriture, des sociétés complexes dont on vient de découvrir un pan de la culture immatérielle », conclut Daniel Simonin.
Ils sont aujourd’hui une dizaine de chercheurs, de différentes disciplines, à analyser tout le matériel trouvé pour tenter de nous livrer les clés de ces « pierres secrètes », sans équivalent, rappelons-le, en Europe.
Exposition « Pierres secrètes. Mythologie préceltique en forêt de Fontainebleau » jusqu’au 30 décembre Musée de Préhistoire d’Île-de-France.
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